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"Visite du Pape au Japon : De Tokyo à Nagasaki, un message pacifiste et humaniste fort," 20 minutes, Nov 23, 2019

https://www.20minutes.fr/monde/2656599-20191123-visite-pape-japon-tokyo-nagasaki-message-fort-attendu-contre-armes-nucleaires

 

Visite du Pape au Japon : De Tokyo à Nagasaki, un message pacifiste et humaniste fort

PAIX Trente-huit ans après Jean-Paul II, le pape François gagnera ce dimanche l'Archipel nippon pour une visite de trois jours, au cours de laquelle il se rendra notamment à Nagasaki et à Hiroshima

Mathias Cena

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Le pape François pose avec deux lycéens japonais venus d'Hiroshima et de Nagasaki, au Vatican le 19 juin 2019.
Le pape François pose avec deux lycéens japonais venus d'Hiroshima et de Nagasaki, au Vatican le 19 juin 2019. -- Andrew Medichini/AP/SIPA
  • Le pape François arrive ce dimanche au Japon pour une visite de trois jours, au cours de laquelle il doit notamment envoyer un message fort en faveur de l'abolition des armes nucléaires.
  • Dans un pays où la religion catholique, très minoritaire, serait pratiquée par 440.000 personnes, son discours visera à dépasser la simple sphère des fidèles.
  • Des questions intérieures comme la constitution japonaise et la peine de mort pourraient aussi être abordées.

 

De notre correspondant à Tokyo (Japon),

C'est seulement le second déplacement d'un souverain pontife au Japon dans l'Histoire. Trente-huit ans après Jean-Paul II, le pape François gagnera dimanche l'Archipel nippon pour une visite de trois jours, au cours de laquelle il se rendra notamment à Nagasaki et à Hiroshima pour y envoyer un message fort en faveur de l'abolition des armes nucléaires, et rencontrera des victimes de la triple catastrophe du 11 mars 2011. Il doit également être reçu par l'empereur Naruhito et le Premier ministre Shinzo Abe.

Le Japon occupe une place particulière dans le cœur du pape jésuite, qui y est déjà allé une fois en tant que prêtre, en 1987. Plus jeune, Jorge Bergoglio avait même manifesté le désir de se rendre dans le pays comme missionnaire, rêvant de marcher dans les traces de François Xavier, le prêtre portugais de la Compagnie de Jésus qui avait entrepris l'évangélisation du pays au XVIe siècle. Le futur pape François a finalement dû renoncer à cette vocation pour des raisons de santé, à cause de l'ablation d'une partie d'un poumon subie à l'adolescence.

La religion catholique, très minoritaire au Japon, y serait pratiquée par 440.000 personnes, selon la Conférence des évêques catholiques locale, soit 0,35 % de la population. Une place restreinte due notamment à son histoire mouvementée dans l'Archipel. D'abord accueillie favorablement par les seigneurs de l'île de Kyushu, dans le sud-ouest du pays, où ont mis pied à terre les premiers explorateurs portugais en 1542, elle a rapidement été perçue comme une menace par ceux qui tentaient d'unifier le pays. Dès la fin du XVIe siècle, le prosélytisme chrétien a été banni et des missionnaires ont été massacrés. Le christianisme sera finalement interdit en 1613 et les fidèles, forcés à renoncer à leur foi, entreront dans la clandestinité, devenant des « chrétiens cachés » jusqu'à l'ouverture du pays, dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Une visite symbolique à Hiroshima et Nagasaki

Au cours de sa visite, placée sous la devise « Protéger toute la vie », le souverain pontife ne s'adressera donc pas seulement aux catholiques. « Le pape François a une double casquette de dirigeant religieux et de chef d'Etat, et c'est d'abord à ce second titre qu'il s'exprimera », résume Kagefumi Ueno, ancien ambassadeur du Japon auprès du Saint-Siège. Il devrait avant tout « souligner l'importance des questions environnementales et de l'engagement des chrétiens pour protéger la création de Dieu, estime Mira Sonntag, professeure au département d'Etudes chrétiennes de l'Université Rikkyo, à Tokyo. Et les guerres, les armes nucléaires et l'énergie nucléaire font partie des plus grosses menaces à la vie sur terre. »

L'emploi du temps chargé du pape le mènera ainsi dimanche à Nagasaki et Hiroshima, les deux seules villes du monde à avoir subi des bombardements atomiques, en août 1945. Nagasaki, sur l'île de Kyushu, incarne en outre un double symbole, avec son statut de berceau de la chrétienté dans le pays. Un temps surnommée la « Rome du Japon », la ville accueille aujourd'hui la deuxième plus importante communauté catholique de l'Archipel, après Tokyo. François doit y rendre hommage aux 26 martyrs chrétiens crucifiés en 1597, un épisode central dans le culte catholique japonais.

Le monument aux 26 martyrs chrétiens crucifiés en 1597, à Nagasaki.
Le monument aux 26 martyrs chrétiens crucifiés en 1597, à Nagasaki. - Eugene Hoshiko/AP/SIPA

Il prononcera également un discours très attendu sur les armes nucléaires au Parc de la Paix de Nagasaki, près de l'hypocentre de l'explosion qui a fait 74.000 morts, le 9 août 1945. Dans un message vidéo adressé cette semaine aux Japonais, le souverain pontife a déjà déclaré que l'utilisation des armes nucléaires était « immorale ». « Le pape sait bien que le gouvernement japonais est très réticent à aborder la question de la dénucléarisation, explique Katsuhiro Kohara, professeur à l'Ecole de Théologie de l'université Doshisha, à Kyoto. Avec ce message fort, il veut encourager les gens, et notamment la classe politique, à prendre conscience de l'importance du sujet. Je pense qu'une vaste majorité des Japonais, au-delà des catholiques, sont d'accord avec lui sur la nécessité de la dénucléarisation. »

 

La peine de mort et la constitution japonaise au programme ?

Le pape pourrait également aborder des sujets touchant à la politique intérieure du Japon, comme celui de la révision de la Constitution pacifiste du pays, ardemment souhaitée par le Premier ministre, Shinzo Abe. Le document, rédigé en 1947 par l'occupant américain, dispose dans son article 9 que « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre [...] ou à la menace, ou à l'usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux ». Pour Katsuhiro Kohara, cet article « a beaucoup à voir avec la question de la dénucléarisation. Sachant que le gouvernement Abe désire le réécrire, je pense que le pape, un pacifiste qui dénonce tout type de pouvoir militaire, va vouloir souligner l'importance de cet article du point de vue du pacifisme. »

Le souverain pontife pourrait aussi choisir d'évoquer la peine de mort, toujours en vigueur dans le pays, où le gouvernement s'appuie sur un sondage de 2014 selon lequel 80 % des Japonais interrogés se disent favorables à son maintien. François, qui appelle à l'abolition « partout dans le monde » de la peine capitale, a fait inscrire l'an dernier dans le Catéchisme de l'Eglise catholique qu'elle était « inadmissible ». Signe que le sujet sera présent lors de son séjour japonais, il a convié, à la messe qu'il doit donner lundi au stade de baseball Tokyo Dome, Iwao Hakamada. Cet ancien condamné pour meurtres, aujourd'hui âgé de 83 ans, a passé 48 ans dans les couloirs de la mort avant d'être innocenté en 2014 grâce à des tests ADN. « La raison pour laquelle la population est favorable à la peine de mort est tout simplement le fait que le sujet n'a jamais été discuté en profondeur, pense Katsuhiro Kohara. Le pape pourrait ainsi influencer la société japonaise en encourageant les gens ordinaires à reconsidérer son importance. »

Pour Mira Sonntag, la visite du Saint-Père aura aussi une profonde signification pour tous les chrétiens japonais. « Le pape François, originaire d'un pays du Sud, rappelle aux chrétiens au Japon que le centre de gravité du christianisme mondial s'est déplacé de l'Europe et l'Amérique du Nord vers l'Amérique du Sud et l'Afrique. En Asie, où les chrétiens sont une minorité - hormis aux Philippines et en Corée du Sud -, le fait qu'il se concentre sur des questions d'éthique sociale pourrait être une source d'inspiration pour la minorité chrétienne, notamment sur la manière dont elle devrait exercer ses responsabilités au sein d'une société largement laïque. »